Culture, Créativité, Solidarité, expériences novatrices contre la crise

La Forêt des Livres – Chanceaux près Loches – le 26 Août 2012

Pierre BATTINI – Auteur de l’Economie de la Solidarité

Solidarité et expériences novatrices les deux mots clés de mon intervention.
De quelle crise  vais-je parler ? Un peu de la crise économique mais surtout de la crise qui concerne quelques milliards de personnes et contre laquelle il faudra réagir et élaborer des solutions novatrices.  C’est la crise sociale.

Solidarité : le constat
Solidarité et philanthropie sont aujourd’hui face à la crise à un tournant capital.
Les états surendettés et en déficit permanent vont réduire fortement les concours qu’ils accordaient jusqu’à présent à leurs populations et aux pays en voie de développement.
On dénombre aujourd’hui dans le monde des dizaines de causes de solidarité à soutenir – des enfants autistes aux personnes dépendantes ou atteintes des maladies neuro-dégénératives, des personnes qui sortent de prison et qu’il faut réinsérer dans la société, des jeunes des banlieues….
Mi 2011 la population mondiale atteint 7 milliards d’habitants ; il y en aura 9 milliards  en 2050… peut être avant. Quinze pour cent de cette population souffre de la faim. On connaît le moyen de réduire fortement cette part de personnes sous alimentées … mais cela passe par de nouveaux produits agricoles, des  organismes génétiquement modifiés.
Dont on ne connaît pas tous les risques. Qui prendra celui de les développer et de les proposer aux pays qui souffrent de la faim ? C’est une des  solutions cependant proposées par Ismaïl Serageldin, expert incontestable du développement et Directeur de la Bibliothèque d’Alexandrie (conférer ses cours au Collège de France en 2011).
Deux milliards de personnes seulement bénéficient d’une couverture sociale dans le monde. L’ONU voudrait que chaque habitant de la planète en bénéficie. Comment faire ?

Dans les pays développés les inégalités s’accroissent.
La situation de la France n’est à ce jour pas brillante ; pourtant de nombreux habitants des pays pauvres veulent la rejoindre !
Quelques exemples :
13% de la population vit en dessous de seuil de pauvreté c’est-à-dire avec moins de 950 €uros par mois,
1.2 million de personnes attendent un logement décent dont 400 000 sans abris,
3 millions de personnes au chômage donc à la recherche d’un emploi, 4.5 millions sans travail durable !
25% des jeunes de 15 à 24 ans sans emplois,
38% de la population des 55 à 64 ans sans emplois,
10% de la population en état de malnutrition,
3.1 millions de personnes illettrées,
3 millions de personnes qui bénéficient des aides alimentaires dispensées par les Restos du Cœur, le Secours Populaire français, la Croix Rouge Française et les Banques Alimentaires.

Pourtant le budget social de la France est avec celui de la Suède un des plus élevés du monde rapporté au Produit Intérieur Brut : 670Md€ soit 34%. De plus, l’Etat et les collectivités publiques apportent 24 milliards d’Euros aux associations.
Le constat c’est que malgré tous ces efforts l’Etat et les collectivités ne sont plus à même d’apporter des solutions aux maux de la société française.

Comment nous extraire de cette médiocrité indigne de notre pays ?
Les solutions pour remédier à cette situation qui risque d’empirer.
Par un partenariat Public/privé associant sphère publique et sphère privée qui doit s’appliquer à de nombreuses causes à soutenir…

En quelques  minutes je n’ai pas la prétention  de traiter l’ensemble du problème aussi je me contenterai de présenter deux exemples très concrets : la création d’entreprises et le don en nature.
Mais d’abord, un mot sur la philanthropie.
Aux USA la  philanthropie
recueille 300 milliards de dollars de dons et legs  soit 2% du PIB américain. Certes la part publique est moindre qu’en Europe.
Les grands philanthropes : Rockefeller, Carnegie, Ford…les créateurs du XIXè et XXè siècle.
Mais parlons de ceux d’aujourd’hui !  Bill Gates qui a donné sa fortune de 35 milliards de dollars à  sa fondation pour investir beaucoup dans le domaine de la santé mais aussi pour soutenir les enfants malades en Afrique…
Rejoint par Warren Buffet qui en apporte autant, et d’autres créateurs d’entreprises fortunés comme un français, Pierre Omidyar fondateur de e-Bay, Marc Zuckenberg de FaceBook, Paul Allen fondateur de Microsoft…
En France la philanthropie reste faible : les dons et legs avoisinent 5 à 6 milliards d’Euros soit 0.3% du PIB. C’est encore une anomalie bien française, l’Etat n’a qu’à s’en occuper !
Pourtant la France dispose aujourd’hui d’un régime fiscal qui est un des plus favorables au monde en permettant aux particuliers et entreprises qui versent des dons à des structures, associations ou fondations de bénéficier d’un crédit d’impôt qui peut aller de 50 à 75%. Espérons qu’on n’y touchera pas !
Le Professeur Chalmain de l’Université Paris Dauphine n’y va pas par quatre chemins et estime  que malgré les avantages fiscaux  les français sont « radins » !
D’autres estiment qu’ils sont égoïstes et ne vont pas les uns vers les autres et ne s’entraident pas. En retenant ce critère la France se placerait  au 91è rang dans le monde, devancée par l’Australie, la Nlle Zélande le Canada, les USA …et beaucoup de pays en voie de développement. (conférer l’étude de la « Charities Aid Foundation – The World Giving Index).
Et pourtant il y a aussi en France des entrepreneurs très riches ; certains c’est vrai s’intéressent aux activités culturelles…mais quand prendront-ils Bill Gates pour exemple ?
Les sommes concernant la philanthropie française apparaissent comme dérisoires mais il faut savoir que l’argent n’est pas tout : les dons revêtent de multiples formes comme le montre Bill Clinton dans son ouvrage « Donner » : donner de l’argent  mais aussi du temps, des objets, du sang, des organes, de l’attention, de l’affection, des aides particulières, transmettre aussi des compétences et des connaissances en matière d’entreprenariat par exemple… Ce sont de ces exemples dont nous devons nous inspirer.

Des initiatives originales innovantes et créatrices
On a beaucoup mis l’accent ces dernières années en France sur la création d’entreprises innovantes et on lui a consacré des budgets élevés : sans atteindre la réussite des start ups de la Silicon Valley et en réalité avec assez peu de réussite à écouter certains spécialistes.

Quelques expériences, initiatives individuelles célèbres :
Les Restos du Cœur, Association créée par Coluche en 1985, ont distribué  plus d’un milliards de repas depuis leur création, en ce moment plus de cent millions par an … Les ressources : des dons en espèces, en nature, des subventions publiques et privées…
Lino Ventura qui créa Perce Neige l’Association d’aide aux handicapés moteurs
La cantatrice bulgare Ina Kancheva vient de créer sa fondation pour intéresser les enfants de 8/16 ans à la musique et plus particulièrement à la musique de Mozart et mieux à la Flûte Enchantée, venant en aide aux enfants autistes.

Autres exemples, pour sortir les jeunes sans travail de leur inaction. C’est un indien qui nous montre la voie, Prix Nobel d’Economie, Mohammed Yunus inventeur de la micro-finance :  c’est l’entreprenariat solidaire et social. Aider les chômeurs et les autres inemployés à créer d’abord leur emploi, leur entreprise et engager quelques compagnons. Plusieurs structures s’occupent en France de ces activités : l’ADIE – Association pour le droit à l’initiative Economique – avec un fort soutien de la Caisse des Dépôts, les Plateformes d’Initiatives locales, à l’international l’Association Ashoka  – en sanscrit, absence de soucis et de souffrances – ,  Planet Finance animée par Jacques Attali,
Un mot sur BAC – Business Angels des Cités, fonds d’investissement créé à l’initiative d’investisseurs du Capital Investissement avec Gonzague de Blignières, Gilles Cahen Salvador, MM. Joly, ancien patron de l’Air Liquide et Claude Bébéar d’AXA, société animée par Aziz Senni, un habitant de Mantes auteur de « L’ascenseur social était en panne, j’ai pris l’escalier… », qui a créé sa société de transport de personnes dépendantes et handicapés à Mantes, initiatives soutenues par la Mairie……

Autre exemple dans le domaine du don en nature : une création récente et efficace, l’ADN.

Deux exemples originaux et qui ont fait la preuve de leur succès

1 – L’ADIE

  1. Association reconnue d’utilité publique, l’Adie aide des personnes exclues du marché du travail et du système bancaire classique à créer leur entreprise et donc leur emploi grâce au microcrédit.
  2. En complément du microcrédit, l’Adie propose aux micro-entrepreneurs un accompagnement adapté à leurs besoins.
  • Financer les micro-entrepreneurs qui n’ont pas accès au crédit bancaire, et plus particulièrement les chômeurs et les allocataires des minima sociaux, à travers le microcrédit,
  • Accompagner les micro-entrepreneurs avant, pendant et après la création de leur entreprise pour assurer la pérennité de leur activité,
  • Contribuer à l’amélioration de l’environnement institutionnel du microcrédit et de la création d’entrepris

Chiffres clés : Depuis 1989 – 500 salariés et1500 bénévoles
• 106 000 microcrédits accordés
• 78 000 entreprises créées
• 107 000 emplois générés

2 -  L’AGENCE DU DON EN NATURE   – L’Histoire d’ADN
Une étude menée par le cabinet AT Kearney  fait état d’un constat frappant : chaque année en France, il y a plus de 400 millions d’euros de produits neufs qui sont détruits et il y a plus de 8 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays.
Afin d’éviter ce gaspillage, Jacques-Etienne de T’Serclaes a donc initié l’Agence du Don en Nature (ADN) pour assurer l’interface logistique entre entreprises donatrices et associations caritatives en France, et de créer la marque Eurogiki pour développer par la suite un réseau européen.

Dans une logique d’entrepreneuriat social, il mobilise des professionnels d’exception, bénévoles, ainsi que des partenaires prestigieux autour de la réalisation de ce projet solidaire, très structuré.L’équipe a ainsi pu bénéficier du soutien de partenaires fondateurs (les fondations Carrefour et L’Oréal ainsi que le cabinet Leyton et Associés) et stratégiques (Activa Capital, Fondation Bettencourt Schueller, Fondation Coca Cola, Groupe Seb, HSBC). Afin d’assurer rigueur et professionnalisme, l’Agence du Don en Nature a également fait appel à du mécénat de compétence au plan juridique (cabinet August & Debouzy), fiscal (Landwell) et comptable (PricewaterhouseCoopers). Depuis le démarrage de l’activité , d’autres entreprises partenaires ont rejoint le Club Mécènes d’ADN.

Grâce à l’ensemble de ces partenaires, l’Agence du Don en Nature a redistribué plus de 15,5 millions d’euros de produits neufs depuis 2009 et devient la première association numérique « 2.0″ à travers son catalogue en ligne. Nous souhaitons maintenant aller encore plus loin : proposer une gamme élargie de produits, développer notre notoriété et nos partenariats, accroître notre couverture sur toute la France. L’équipe d’ADN s’engage chaque jour à faire en sorte d’aider encore plus de personnes, et le mieux possible. Nous nous dirigeons à présent vers l’objectif de plus 100 millions d’euros de produits redistribués pour 2015

Il est vrai que créer une structure tout seul n’est pas facile, mais au début on peut aussi rejoindre une Association qui est et restera active dans le domaine de la solidarité.
Il existe en France aujourd’hui un million cent mille associations dont vingt pour cent sont dans le domaine caritatif, employant deux millions de salariés et pouvant compter sur douze millions de bénévoles … donc comme vous le voyez si vous voulez intervenir… vous n’êtes pas seuls et c’est vraiment l’heure de vous engager et d’apporter, temps, compétences et argent, si vous en avez, à ceux qui en ont besoin.

Conclusion
Faits connus, diagnostics connus, remèdes (souvent) connus… Il faut aujourd’hui décréter la mobilisation générale contre toutes les formes de pauvreté qui est non seulement physique mais aussi culturelle. Chacun peut et doit participer à ces nouvelles initiatives qui permettront de sortir de la crise en aidant son prochain !

Deux autres remarques pour terminer :
Au début des activités économiques au XVIII è siècle, les économistes pensaient que la main invisible du marché pouvait régler tous les problèmes même ceux de la misère ; par la suite on s’est aperçu qu’il fallait réguler les activités et les processus par l’intervention de l’Etat et aujourd’hui des autorités spéciales, c’était la deuxième main. Mais Michel Camdessus a récemment  montré que les inégalités se multipliant au niveau mondial seule la troisième main celle de la solidarité pouvait y remédier. Dans les réflexions à mener, réduire la part du sacro-saint Produit Intérieur Brut et envisager le Bonheur National Brut qui inclurait justement les activités de solidarité.
Je terminerai en rendant hommage à notre hôte Gonzague de Saint Bris qui fait tant pour lutter contre l’illettrisme et pour la culture, seuls  moyens de sortir les jeunes et les moins jeunes de leur solitude pour les faire rejoindre une société loin d’être parfaite mais dans laquelle ils auront des moyens pour développer leur personnalité et trouver – enfin – leur place.

Pierre BATTINI Auteur de l’Economie de la Solidarité (Editions L’Harmattan). Pour Gonzague Saint Bris à l’occasion de la Forêt des Livres à Chanceaux près Loches – 26 Août 2012.


Design, conception & programmation - Webdesign-europe.net